Chapitre 2

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Michaël monta dans le ciel mauve, monta, monta et monta encore. Ses yeux se remplirent de larmes, causées à la fois par le chagrin et par une joie délirante. Ses ailes battirent si fort qu’el commença à perdre des plumes. Malgré cela, el passa au-dessus des nuages, atteignit la stratosphère et s’apprêta à entrer dans le cosmos de Hod. Là, el aperçut les lunes de Kokab, les grands astres-théorèmes, symboles du génie rationnel d’EL. Leurs formes changeantes captivèrent son attention. Mais si haut, l’air eut de plus en plus de mal à se faufiler jusqu’aux poumons de Michaël. Tant pis ! EL n’avait pas rendu la respiration indispensable aux élohim.

— Michaël !

Plus bas, Raphaël poursuivait son apprenti. Son corps meurtrit ne sembla pas l'handicaper. Immense, el prenait peu à peu sa forme apocalyptique de mercure liquide. Michaël l'ignora, accéléra encore. Mais l'archange n'en était pas à son premier rodéo. El envoya sur le halo de la jeune vertu des thaumaturgies pour l’affaiblir. Il s’agissait de petites vibrations sur les fils de la réalité, de minuscules rayons de lumières qui tirèrent sur ses cœurs, ses muscles, son esprit pour les épuiser. Au début, Michaël résista. El connaissait tous les antidotes aux sorts que son mentor lui jetait. Mais leur accumulation commença à peser lourd. Ainsi, au bout d’un moment, Michaël perdit de l’altitude. Son corps s’épuisa, son esprit s’embruma dans un dangereux sommeil. El perdit conscience plusieurs fois d’affilée, se réveillant quelques secondes de panique avant de succomber de nouveau. 

— Oh ! Une étoile filante ! observa un petit éloha à travers le dôme vitré.

Michaël, à moitié conscient, explosa le plafond de verre, puis, dans une pluie de cristaux, s'écrasa au sol. Son corps d'éloha, prévu pour résister à ce genre de chocs, resta intact, mais son esprit sonné ne fit que tourner et tourner dans une douleur affreuse. Après quelques minutes cependant, une vague d’adrénaline foudroya Michaël. El se releva parmi les décombres, tituba et débarqua dans un grand espace où des milliers d’élohim circulaient dans une clameur assourdissante. La plupart d’entre eux, horrifiés, s’enfuyaient, de grands sacs à la main. D’autres, des manifestants en gilets rouges, faisaient de même, abandonnant des panneaux aux slogans acerbes derrière eux. Les yeux exorbités, Michaël observa les environs. El repéra des vitrines remplies de mannequins aux vêtements colorés, des tables alignées le long de grands balcons, et plus loin, des grandes affiches posées au-dessus de l'entrée d'un cinéma. El se trouvait dans un grand centre commercial.

Soudain, le toit de verre de la galerie marchande explosa de nouveau. Une pluie d'éclats canarda les élohim. Raphaël atterrit, ses deux jambes de métal se plantant dans le sol. Sa figure vaguement anthropomorphe se déploya, haute d'une dizaine de mètres, ainsi que ses trois paires d'ailes qui lui donnèrent une envergure vertigineuse. Les cris des élohim redoublèrent. Michaël ne laissa pas le temps à son cyborg de mentor de l'approcher. El s'enfuit tant bien que mal, poussé par son instinct de survie. El couru, vola et sauta en quête d’une sortie, bousculant sans pitié tous ceux qui se dressaient devant el. Des puissances se mirent à lui tirer dessus avec leurs blasters luminiques. Des séraphins apparurent, aussi furieux qu’enflammés.

“Rends-toi, enfant d’EL, car tes péchés sont immenses

Soumets-toi, enfant d’EL, à la Miséricorde et au Jugement”

— Non, non, non, haleta Michaël.

Si els l’attrapaient, el serait enfermé à jamais dans la cathédrale, à la merci des séraphins pour des siècles et des siècles. El ne pourrait jamais dénoncer la corruption de Sicad. El ne pourrait jamais calmer le peupl’aile de Hod. El ne pourrait jamais combattre pour sauver Guebourah et le reste des royaumes des cieux. Mais que faire ? Où aller ? HodArch, pensa immédiatement Michaël. Mais Raphaël, à quelques battements d'ailes derrière el, ne lui laissa pas le temps de réfléchir. El envoya sur son élève une nouvelle salve de thaumaturgies. L'une d'elle emprisonna les chevilles de Michaël. La jeune vertu lança son propre filet sur l'entrave, tira dessus et au prix d'un effort monumental, la brisa. Une vague d'épuisement s'abattit dans les membres de Michaël, alors que ses ailes le portaient douloureusement. 

Je suis un Fitzarch, vertu de deuxième génération. El ne peut pas m'atteindre. Aux abois, Michaël se retourna et riposta. El envoya son filet sur le halo de Raphaël, sans à première vue y faire vibrer quelconques thaumaturgies. Mais soudain, Raphaël s'immobilisa et contre sa volonté, son halo blanc d'archange pulsa et s’étendit pour scintiller à des centaines d'années lumières à la ronde. La vague d'élohim qui s'enfuyaient se stoppa net pour faire demi-tour et fondit sur l'archange-prince, irrémédiablement attirée par sa lumière. Là était le pouvoir archangélique de la subjugation. En quelques secondes, Raphaël se retrouva noyé sous ses sujets. 

Michaël exulta. El venait d'utiliser un des pouvoirs de l'archange contre lui, sa Présence, cette lumière qui lui permettait de captiver les élohim, d'assurer leur adoration. Ainsi, Raphaël aurait à se débarrasser de dizaines de milliers d’illuminés avant de pouvoir atteindre Michaël. Même pour ce dernier, manipuler ainsi les pouvoirs d'un archange était un exploit. 

La fuite donna à Michaël une vivacité incroyable. La boule de douleur qui pulsait dans ses cœurs s'effaça. Galvanisé, la jeune vertu descendit dans les étages inférieurs du centre commercial. Je suis dans le centre Agora 2, reconnu-t-el grâce aux études prolongées qu'el avait fait sur la carte de Kokab lors de ses entraînements. Si mes souvenirs sont bons, il y a un complexe sportif là-dessous. Alors qu’el volait à toute vitesse, des puissances se dressèrent devant el pour le stopper, des ophanim aussi, pour une autre raison. "Des vues ! Des vues ! Des vues du Fitzarch !" chantaient-els. Michaël esquiva tout le monde, défonça les grandes portes de verre du complexe et déboula en plein milieu d'un stade couvert, d'au moins cent mille places. Tout autant d'élohim étaient installés dans les gradins, dans une grande clameur. Un match de balle-volante avait été prévu ici, mais des milliers de manifestants gilets rouges avaient envahi le terrain pour protester. Le public, conquis, chantait pour encourager manifestants qui occupaient le terrain de jeu. Des nobl'ailes, enfermés dans leur loge en verre, étaient accablés par le peupl'aile. El n'osait s'enfuir, pour ne pas perdre la face. 

— EL soit loué ! souffla Michaël en voyant cela. 

Son halo mauve de Fitzarch brilla de mille feux alors qu'el traversait le terrain. Les élohim s'écartèrent, effrayés. Mais el clama :

— Je suis Michaël Fitzarch ! Je suis nobl'aile et je veux combattre à Guebourah ! Je veux combattre ! Je veux combattre ! 

“Enfin un nobl’aile courageux !” célébrèrent les élohim.

Après quelques secondes les élohim se mirent à encourager Michaël, dont la voix résonna dans le réseau EL, irradiant tout le quartier. Des ophanim vinrent encore plus le harceler. Puis Raphaël fit son entrée par les airs, soulevant de ses propres mains le plafond du stade comme un couvercle pour s'inviter à l'intérieur.

— L'archange Raphaël m'empêche de combattre ! El m'empêche de combattre ! dénonça Michaël.

L'indignation des élohim, notamment des vertus, s'abattit sur l'archange. Ce dernier avait abandonné sa silhouette "normale" pour totalement embrasser sa forme apocalyptique. Fait de métal liquide, el avait pris la forme d'un énorme triangle. El fondit sur Michaël. Mais le peupl'aile s'interposa. Une nuée de vertus repoussa le grand triangle plat dans les hauteurs. Une lumière rouge envahit l'univers. Sur les écrans du stade, le rouge Gueb apparut, accompagné d'une musique épique. Le réseau EL local fut lui aussi bombardé de la propagande militaire. Face à cela, le peupl'aile redoubla de fureur. Raphaël craqua. Sa géométrie changea. Le triangle se transforma en sphère. La sphère gonfla pour se doter de milliers de piques. Face à cela, les élohim ne purent plus pousser leur prince. La lumière de l'archange grandit de nouveau, cette fois sous son contrôle. BAM ! Elle explosa comme un feu d'artifice et le peupl'aile fut projeté dans tous les sens, loin de Raphaël.

Michaël leva les bras, prêt à tisser. Mais au lieu de se préparer à l'affrontement, Raphaël se laissa tomber droit sur son élève. 

PAF !

Raphaël écrasa Michaël, le poussant contre la pelouse. El noya encore la jeune vertu de thaumaturgies. Sa surface métallique s'aplatit pour former un dôme au-dessus de Michaël. À l'intérieur son visage apparut. 

— Tu restes avec moi, dit Raphaël d'une voix vibrante et métallique. 

Michaël se débattit comme un fou. El hurla, entre rage et agonie. 

— Non, non, non, non, non, NON, NON, NON !

— Michaël ! Stop ! urgea Raphaël.  Stop ! Respire !

— NON !

Michaël sentit son corps se déformer, ses griffes sortir. El frappa. Le corps de Raphaël se dédoubla. Deux formes, deux moments, une seule terreur. Le passé se mêla au présent. El entendit Kokabiel pleurer. Des membres d'Ennead l'entouraient.

— Ce n'est pas la première fois, ce ne sera pas la dernière, disaient-els. Tiens bon !

Michaël hurla :

— JE TE HAIS ! JE VOUS HAIS TOUS BANDE D'HYPOCRITES !

Coincé sous Raphaël, Michaël ne vit plus rien d'autre que l'énorme corps de mercure de son cyborg de mentor. Des couleurs passèrent sur la surface du métal. Michaël reconnut son propre reflet dans le corps métallique de son mentor, mais des draperies rouges apparurent, autour d'une figure très pâle. 

— Attrape.

Lorsqu'el entendit cette voix, la conscience de Michaël s’agita. Son hystérie redoubla, mais un choc démentiel la figea. Ces émotions contradictoires déchirèrent l'âme de la jeune vertu. La figure tendit son bras. Michaël le saisit.

Entrant dans le reflet, el disparu.

Raphaël regarda autour de lui. Un éclair de compréhension stria son halo et soudain, el poussa un cri de rage. Hors de lui, l'archange se mit à tout détruire sur son passage. Des régiments entiers de puissances débarquèrent, entourées de nuées d'ophanim. Els envahirent le centre commercial à la recherche de Michaël, en vain. La recherche fut étendue à tout le quartier, à toute la ville. Raphaël, transformé en dragon de mercure, se hissa du sol en poussant sur ses ailes. El se mit à tourner au-dessus de la capitale, poussant des rugissements dignes des séraphins les plus furieux.

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